Les 3 premières personnes à avoir évalué au plus près le nombre de mes dreadlocks étaient en fait 4, avec deux ex aequo. Elles devraient avoir reçu leurs livres, au moment où je vous écris. Quant aux dreads, j’en ai compté 71.
La citation du mois
Le « récit de vie » de la science-fiction est très souvent nostalgique, comme en témoigne l’engouement pour des œuvres du passé (voir le documentaire Hexamondes), la défense féroce des « pères » de la science-fiction, lorsque des éléments peu glorieux de leur vie sont pointés du doigt (on trouve des excuses à Asimov « L’homme aux cent mains ») ou l’accueil peu chaleureux réservé aux acteurices débutant·es qui n’ont pas ouvertement prêté allégeance aux mêmes pères…
J’ai voulu lister les éléments qui me semblent poser problème, et des pistes pour tenter de redonner sens et vitalité au récit fané de l’histoire de la science-fiction qui se trouve être surtout masculin, blanc, hétérosexuel, occidental, normatif, réactionnaire, suicidaire…
Surtout, j’ai voulu retrouver, dans les ressources disponibles et celles à venir, d’autres approches que le discours habituel ainsi qu’un peu d’espoir pour l’avenir de la science-fiction.
Il s’agit d’un extrait de l’introduction de mon essai Le futur au pluriel : réparer la science-fiction qui manifeste de quelle façon mes travaux de recherche sur l’écriture de soi ont irrigué cet essai-témoignage.
Dernièrement
Le #Writever du mois d’avril présente les mots-clés de l’œuvre de Plume D. Serves, auteurice coup de cœur de la prochaine édition du Festival les Imaginales. C’est toujours sur Mastodon et sur Bluesky.
J’ai eu le bonheur de présenter une conférence sur la science-fiction organisée par la Médiathèque de la Canopée doublée en Langue des Signes Française et agrémentée de performances signées des bibliothécaires. C’était le 21 mars dernier.
L’atelier d’écriture sur l’accessibilité universelle du 22 mars proposé avec l’équipe du PPR Autonomie, a fait l’objet d’un article dans le journal libération. Le journaliste n’a pas bien compris ce qu’était le projet Afrocyberféminismes et comment il m’a inspirée. Je vous invite à le découvrir par vous-même.
Au Salon les Disperséexs à Genève, le 29 mars, j’ai eu le bonheur d’animer avec L. M. Cantori l’atelier d’écriture que nous appelons « Juste une petite pièce ». C’est un atelier qui invite à repenser notre rapport à notre propre corps et à se projeter dans un futur improbable. Nous le proposions pour la troisième fois et ça a été un bonheur de partager des histoires nouvelles avec les participant·es. J’y ai aussi proposé le 2e dîner Foodistan. L’occasion de lectures d’extraits du livre et d’un repas délicieux. Lucas nous a cuisiné une parmigiana à tomber par terre.
Le 5 avril, j’ai rencontré le public de la Médiathèque de Clamart pour une rencontre autour du recueil Quartiers Libres Demain la Ville en compagnie de Mathias Echnay. C’est toujours un bonheur de présenter la science-fiction à des personnes qui en lisent peu. J’ai eu l’agréable surprise de retrouver dans le public trois belles âmes connues dans une autre vie.
Encore trois jours pour adresser une nouvelle sur le thème des Sciences dans le cadre du prochain appel à texte des éditions Copie-Gauche. Les membres du jury et moi-même, sommes impatients de découvrir les textes. C’est jusqu’au 15 avril.
Vous continuez à découvrir et à aimer Saletés d’hormones et autres complications, Confessions d’une séancière, L’Évangile selon Myriam et Le Futur au pluriel réparer la science-fiction et mes nouvelles un peu partout. Merci !
La Recherche
En avril, les articles défilent.
Alors que je me réjouissais que ma thèse de doctorat soit enfin disponible en ligne, j’ai eu la surprise de recevoir des nouvelles de plusieurs soumissions d’articles à des revues scientifiques et de propositions de communication acceptées.
La contribution à laquelle je ne pensais même plus, est un petit texte d’autrice, une lettre à mon I A de fiction proposée pour la revue Terrain à Nicolas Nova qui en a suggéré la forme. L’annonce de son acceptation a été l’occasion de larmes de chagrin, car je n’ai pris conscience qu’à ce moment-là que Nicolas ne lirait pas ce dossier. Cet anthropologue brillant et d’une gentillesse rare est mort brutalement à la fin de l’année dernière.
J’ai également reçu des nouvelles d’un article co-écrit avec mon forever directeur de thèse, Arnaud Plagnol, bien avant ma soutenance, sur le thème de l’écriture de soi. Il montre, exemple à l’appui, que l’approche de Foucault qui voit l’écriture de soi comme un l’exercice de soi est complémentaire de celle de Ricœur, plus fréquemment invoqué pour théoriser le récit de soi.
Il paraîtra dans la revue l’Évolution psychiatrique et est consultable ici.
Plus rapide et toujours coécrit avec d’Arnaud Plagnol, va paraître dans un prochain numéro de la revue Psychiatrie, Sciences humaines, Neurosciences (PSN), un article reprenant et développant ma communication de 2022 sur les liens entre la science-fiction et la psychologie clinique.
Enfin, l’article sur la possibilité d’un rétablissement après 65 ans tiré de ma communication de fin janvier dernier devant les membres de la Société médico-psychologique paraîtra sous peu dans les Annales Médico-psychologiques. Il y est question de ce que le regard sur le vieillissement fait au soin.
Côté communication, j’ai participé avec Marie Assaf du PPR Autonomie au colloque Science-fiction et handicaps, le vendredi 04 avril dernier à Grenoble. Il s’agissait de rendre compte du travail en cours sur l’expérience de l’atelier sur l’accessibilité universelle, précédemment évoqué. Ce travail donnera lieu à des écrits.
Pour compléter cette série, mon ancien employeur, l’association Les Ailes Déployées, a publié l’enregistrement vidéo du colloque sur les troubles du spectre autistique chez l’adulte auquel j’ai participé en décembre dernier. C’est ici.
« Que suis-je en train de devenir ? “ai-je demandé à un ami.
Il a suggéré : ‘une chercheuse ? ‘
Ce n’était pas exactement mon plan de vie.
Dans l’atelier : Dans la forteresse des mathématiques
Ma relation étrange et ambivalente avec les mathématiques, évoquée dans la lettre précédente, s’est poursuivie à mesure que j’en découvrais les arcanes.
Je savais, depuis l’école secondaire, que les représentations graphiques ne m’intéressaient pas et que le dessin d’un triangle n’était qu’une possibilité parmi une infinité et pas ‘le triangle’, seulement, peu de gens voulaient avoir cette discussion avec moi. Il reste des traces de mes questionnements dans certains textes.
Elle m’expliqua.
‘Un triangle quelconque est un triangle sans propriétés remarquables, ni isocèle ni rectangle, on peut dire que c’est un triangle normal, voire ordinaire. Mais pour en dessiner un, il faut prendre des tas de précautions, parce qu’il n’est pas si simple que ça d’être ordinaire.
‘Eh bien, il me semble qu’il en va de même pour les personnes. Si tu choisis une personne au hasard, la probabilité de tomber sur quelqu’un de normal est très faible. La plupart des gens ont au moins une particularité. Quelque chose, que ce soit physique ou mental, qui les range hors de la normalité et dans la marge : trop grand, trop gros, dépressif, daltonien, roux, homosexuel… Bon, toi et moi, on cumule !’
Elle rit de bon cœur et moi aussi.
(Blanche-Neige et le triangle quelconque, Saletés d’hormones et autres complications, 2023)
Par goût pour l’abstraction, j’avais même, à partir de ma première année d’études universitaires, renoncé à la physique et à la chimie, préférant m’intéresser aux modélisations, à la topologie, au calcul intégral et à l’algèbre linéaire. J’ai aussi développé une appétence pour la théorie des probabilités.
Presque tous ces termes, aujourd’hui, m’évoquent une poésie, comme la nostalgie de contrées jadis familières et aujourd’hui perdues dans le brouillard.
À l’époque, je trouvais que ce n’était ‘pas si dur’ et je ne comprenais pas pourquoi on faisait tout un foin de ces mathématiques, présentées comme difficiles d’accès. Cependant, je refusais toujours qu’on me définisse comme ‘une matheuse’. Déjà mon refus des étiquettes et en particulier celles qui définissent une appartenance stricte et exclusive à un groupe.
Je ne sais pas appartenir
À vos principes
À vos combats
Digne disciple
De Saint Thomas
Juste bien faire et voir venir
Je ne suis pas de vos anneaux
Tendres cerclages de bourreaux
Cours de sourires imperturbables
Figés d’agréments immuables
Je ne sais pas appartenir
À vos estimes
Et à vos goûts
Amie intime
À vos genoux
Juste être là, du rire au pire
(Extrait de Je ne sais pas appartenir, Deux Saisons en Enfer, 2020)
Un jour qu’en travaux dirigés, je m’appliquais à un calcul complexe dont je n’ai pas le moindre souvenir, mon professeur s’est intéressé à ma technique et m’a demandé de commenter les étapes de mon raisonnement. Ce que j’ai fait. Il m’a proposé un autre énoncé et m’a demandé de lui expliquer ce que je faisais. Je me suis exécutée. Même chose avec un troisième énoncé, avant qu’il ne soupire : ‘Eh bien, oui, c’est logique, ça marche, mais vous faites des maths comme une littéraire !’
Sa sentence m’avait remplie de joie. Je le savais. Je n’appartenais ni à un camp ni à l’autre et je pouvais naviguer entre des pays réputés distincts, voire ennemis.
C’est à cette période que j’ai commencé à vouloir partager ce que j’avais appris et donner à d’autres les clés de la forteresse.
J’ai donné des cours de maths à des "non-matheux", y parvenant notamment par le jeu. J’inventais des détours, par la poésie, la cuisine, par le récit, pour donner à voir à mes élèves le côte ludique des maths. J’ai été répétitrice pendant 10 ans. Mais pas comme Vincent, le héros de ma nouvelle Équation remarquable qui s’en sert pour nuire.
Les formules qui n’exigeaient qu’une application automatique devenaient entre ses mains des instruments de torture. Développer, factoriser des expressions émaillées de tous les signes cabalistiques autorisés par les mathématiques de ce niveau. Il illustrait la géométrie simple, par des exemples de tracés dans les quatre dimensions de l’espace-temps. Il s’attardait plus volontiers sur les exceptions que sur les règles, et insistait davantage sur les limites de la science mathématique que sur ses triomphes. Le vrai et le faux n’existaient plus. Il poussait la logique binaire occidentale jusqu’à ses paradoxes les plus inquiétants et inventait des équations remarquablement compliquées.
Une dizaine de séances lui suffisaient généralement pour embrouiller, décourager, traumatiser, ses élèves, à qui il laissait toujours une somme infaisable d’exercices. Il exposait la théorie et corrigeait les exercices en mimant les gestes las et méprisants de ses anciens professeurs.
Puisque j’étais une littéraire introduite illégalement au pays des mathématiques, je pouvais comprendre les deux mondes.
Je continue de considérer les mathématiques comme une langue particulière, plus logique et régulière que beaucoup, et permettant de raconter le monde d’une certaine façon.
Ni d’ici, ni de là-bas, illicite et traîtresse ici comme là, mais trait d’union possible.
C’était une position que je connaissais déjà.
(à suivre)
Prochainement
Je serai à Rennes la semaine prochaine, les 19 et 20 avril, à l’occasion du festival l’Ouest Hurlant. J’y modérerai une table ronde et je proposerai un atelier d’écriture sur les textes courts.
Le 25 et le 27 avril, je serai aux Intergalactiques à Lyon. Le thème de cette édition est : ‘Que faire ?’. Je participerai à plusieurs tables rondes et peut-être à une lecture.
Du 23 au 25 mai, les Imaginales d’Épinal m’invitent à discuter du thème ‘Hors Normes’ lors de plusieurs tables rondes.
Vous me croiserez à Paris les 11 et 12 juin lors de deux événements (l’un SF et l’autre lié au soin) dont je vous reparlerai bientôt.
J’écris
J’ai rendu mes textes érotiques rédigés pour le projet de recherche en design, Fucking Tech, porté par Saul Pandelakis et Anthony Masure. N’étant pas habituée à écrire ce type de fiction, j’étais assez incertaine du résultat, mais il semble que mes commanditaires en soient contents.
Je me tiens sur la marge du recueil sur le temps qui demande plus de disponibilité que je n’en aie en ce moment. J’ai hâte de pouvoir m’y plonger.
J’ai commencé une nouvelle fantastique inspirée d’un moment d’une récente consultation avec mon psychologue. J’apprécie de pouvoir rédiger en toute liberté un texte que personne n’attend.
Vous aimez mon travail, vous pouvez vous procurer mes ouvrages dans votre librairie préférée. Vous voulez me soutenir, mais vous avez déjà tous mes livres ? Vous pouvez m’offrir un café !
Une question, une remarque sur le contenu de cette lettre ou sur mon travail ? Écrivez-moi.